Alma Wallner. 

Lesquelles

Du corps outil au corps objet, ironie d’une puberté féminine.
Je m’interroge.
Je ne me souviens pas du jour où, pour la première fois, j’ai pris conscience de mon corps.
Il m’est apparu, scopique.
Dans le regard d’un autre, dans mille regards des autres.
C’est comme si jusque là, son existence plastique n’avait jamais été. Il était outil, instrument,
moyen.
Soudain, ce statut de fin,
Immobile et écrasant.
A l’extérieur, les yeux.
Regard voyeur,
Elles, tôt, déshabillées.
Tenues démantelées, jupes soulevées, le corps entier est décortiqué.
Et l’injonction de se couvrir, de le cacher,
Énoncée par cette même voix,
Celles des yeux qui mettent à nu, qui s’insinuent jusque dans les pores de la peau
Pour y déceler toute les preuves de la féminité,
Tous les gages de leur culpabilité.
Contraintes et postures, trop peu de place dans les canons.
La mère, la vierge, l’idiote et la vestale.
J’exprime ces archétypes en des vêtements objets, ils apparaissent comme des sculptures
autonomes, indépendantes du corps qui le portent. Leur importance est plus grande que le
corps. Elle l’engloutit et ne lui laisse presque pas la place d’exister n’apparaissant qu’à travers
d’étroites fenêtres.
Ces cariatides imposées existent en nombre restreints, elles sont partiales et définitives, c’est
pourquoi j’ai choisi de les incarner d’une façon si solide.
Dans ce carcan, le corps se retrouve parfois contraint, dirigé par le vêtement dans des postures
immobilisantes.
Il finit par s’en extirper, tentant de reprendre le pouvoir sur l’habit.
Il le déplace et c’est à son tour de le contraindre, dénaturant la forme première de ces habits,
leur ôtant leur fonction couvrante.
« Vos regards ont pétri ma chair, ils m’ont modelée, dirigée, déshabillée »
Il nous impose ses formes, comme on lui a infligé nos yeux, choisit de se ré-approprier ces
codes, embrassant toutes les contradictions que l’expression d’une féminité oblige.
Elles nous disent : Vos regards voyeurs sur mon corps seront désormais provoqués par
mes soins.
Le deuil de la mère
Sorcière, sorcière, prend garde à ton derrière
Demi-vierge
Pendant qu’elle est facile
Le corps
Elle